Un soir de 1942
Nous sommes en 1942. C’est une fin de journée dans les rues de Xville. Je suis désespéré. Je rentre dans ce bar que j’aime tant –d’habitude si jovial. J m’installe au comptoir et passe commande au près de Pedro. Lui aussi semble songeur !
Je me plonge dans la contemplation de mon verre. Un remous trouble son contenu. Tous les évènements des mois précédents remontent à la surface, ceux-ci qui m’ont transformés en la loque humaine que je suis ! Je le revois comme si c’était hier, cet agent, vêtu de son costume bien taillé, frapper à la porte. Je lui ouvre, le cœur battant, je songe que cela doit arriver un jour ou l’autre. Il me tend une feuille imprimée, je la saisis, mains tremblantes, en me disant que tout est fini, la tranquillité de leur doux foyer ; la joie qui y règne ; les disputes ! ….
Tout est fini. Mon fils est appelé pour faire honneur à la patrie.
Quelques jours plus tard, il part, en nous laissant, sa mère mourante et moi, en pleure. Bien sûr, il nous enverra des lettres ! En effet, j’en ai reçu quelques unes. Mais quelles lettres ! Il nous y décrit toutes les horreurs qui subit, la peur qui le tenaille…
Comment ont-ils pu nous enlever notre fils ? Notre fils unique !
« Bonsoir. »
C’est un couple qui entre dans le bar. C’est toujours ainsi que cela se passe : ils entrent, comme d’habitude, commandent un verre, comme d’habitude, entament la conversation avec Pedro, comme d’habitude… « Sauf qu’il manque quelque chose. » remarqué-je. « Peut-être ce petit sourire que Madame aime à offrir ? Ou alors les yeux rieurs de Monsieur ? Ou bien tout simplement ma capacité à percevoir du bonheur ! » conclus-je. Il semblerait que cela soit un mélange de ces trois hypothèses.
J’écoute leur conversation avec le barman : Monsieur lui explique que l’aîné de leurs fils a reçu une convocation pour servir sous notre drapeau.
Cela me remémore ce que j’ai reçu, moi, aujourd’hui. L’expéditeur est le même que ce pauvre couple, en revanche le contenu est bien plus dramatique. Je sors la lettre de ma poche, refusant toujours d’admettre l’information qu’elle recèle. Pour la énième fois, je la lis. Je la connais par cœur, j’ai l’impression d’entendre la voix de l’agent me déclarant qu’il nous exprime toutes ses condoléances, que notre fils fut vaillant, qu’il allait juste être promu au rang supérieur… Et jurant en affirmant que si son assassin croise sa route, il ne s’en sortira pas indemne.
Je finis mon verre en essayant de retirer le flot d’émotion qui menace de me submerger. Mais je ne peux plus. Je fonds en larme sur le comptoir. Le couple et Pedro se retournent vers moi. Ils essayent de me soutenir, les yeux de Pedro se posent sur ma main crispée sur la lettre. Il me la retire délicatement, la lit en diagonal : il sait ce qu’elle contient. Il pose sa main sur mon épaule. Tous trois essayent de me réconforter de leurs douces paroles. Madame est livide, elle pense à son fils.
« J’en étais sûr ! Ils n’avaient pas le droit de me le voler ! » gémis-je au comble du désespoir. Ils sont incapables de me consoler : ils savent que j’ai raison.
Dehors il pleut.
Tout est fini.
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Voilà la rédaction de je t'ai parlée. C'est vraiment un autre style d'écriture! C'était par rapport au tableau "Nighthawks" de Hopper (1942) ....
Qu'en penses-tu ?